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« Quand un écosystème est détruit, il impacte directement l’homme »
Le 4 juillet dernier, une centaine de plantules Cylindrocline lorencei, une espèce endémique éteinte en milieu naturel, a été mise en terre à Pétrin après avoir retrouvé vie dans un laboratoire en France.
Que signifie cette ressuscitation et pourquoi a-t-elle mobilisée d’éminents scientifiques avec le soutien des autorités mauriciennes et l’appui financier de la MCB ? Eclairage avec le scientifique français, Stéphane Buord.
Pourquoi était-il si important de faire revivre une espèce disparue?
La Cylindrocline lorencei est une espèce qui a disparu à cause de la déforestation à Maurice. On a supprimé la forêt pour exploiter d'abord des arbres, des ébéniers, mais aussi du bois pour le bois chauffé ou le bois de construction et on les a remplacés par des cultures. Malheureusement aujourd’hui, ces zones déforestées sont maintenant occupées par des plantes invasives qui se substituent à la végétation native. Donc, la première cause de l'extinction des espèces à Maurice, et donc du Cylindrocline, est d'abord la déforestation.
Quel est l’importance de cette plante dans la biodiversité mauricienne ?
Elle fait partie du cortège floristique de la flore mauricienne, elle a sa place comme toutes les autres. On ne peut pas dire si son rôle était plus important ou moins important mais elle n'a pas disparue naturellement, elle a disparue par la force des choses.
La Cylindrocline est l’une des espèces qui compose l’écosystème des forêts naines sur l'ateritz à Maurice, ou des forêts sur sols ferralitiques - c’est la domination scientifique de l’habitat de cette plante-là. Et il y a très peu d’espèces dans ces milieux-là. Que ce soit sur ces types d’habitats ou sur d’autres, il faut concevoir que chaque espèce y joue un rôle déterminant et bien particulier. Chacun joue sa partition, chacun son rôle. En terme écologique, chaque espèce tient sa place dans l’écosystème, et plus vous retirez des espèces de cet écosystème, plus vous le fragilisez.
Quand l’écosystème est détruit, vous avez des problèmes d’érosion des sols, vous avez des problèmes de qualité d’eau parce que les eaux ne sont plus retenues par les racines, elles ne sont plus filtrées et donc impropres à la consommation. Et vous avez tout un tas d’autres problèmes qui impactent directement l’homme et l’environnement en général.
Donc je dirai que l’importance de la Cylindrocline et de son retour, c’est qu’on a reconstruit la diversité et la solidité au sein des écosystèmes forestiers mauriciens.
Sait-on quelles ont été les conséquences de l’extinction de la Cylindrocline sur la biodiversité?
On ne sait pas. Ce qu’on voit, c’est qu’on a perdu beaucoup d’espèces à Maurice. Plus de 50 étaient endémiques de Maurice et ont complètement disparu, et il y a beaucoup d’autres qui n’étaient pas endémiques et qui ont aussi disparu. Comme je vous disais, quand on perd une espèce, on fragilise aussi l’écosystème. C’est d’abord ça le préjudice.
En ce qui concerne la Cylindrocline elle-même, peut-être qu'il y avait des insectes associés à elle, ou des champignons dans le sol, etc. On est incapable de le dire.
Quelles sont les garanties que les plantules vont survivre dans leur milieu naturel/d’origine?
Il est toujours difficile d'avoir des certitudes sur ce qui va se passer plus tard, mais le défi était de trouver un milieu naturel qui soit le mieux préparé possible et le plus capable de supporter l'arrivée d'une espèce qui était éteinte sur place. Pour cela, il faut que le milieu soit d'une bonne qualité, et plus on se rapproche des conditions de la nature originelle, plus on aura de chances que cette espèce ait un avenir. Aujourd'hui, la réserve naturelle de Pétrin représente la meilleure chance de réussite pour la réintroduction de cette espèce.
Considérez-vous donc que l’opération est réussie ?
Jusque-là, oui. Les premiers plans réintroduits il y a quelques années sont toujours là, ce qui est encourageant. Nous avons cette fois ci ramené 100 plants et nous allons pouvoir maintenant tirer plus de conclusions, mais c'est en bonne voie.
On revient de très loin. Il y a 30 ans, on pensait que cette espèce avait complètement disparu de la surface de la terre et qu’aucun jardin ou conservatoire botanique dans le monde ne la cultivait plus. Donc pour nous, elle était complètement éteinte comme le dodo en son temps. Peu après, on a réussi à sauver cette espèce à partir de quelques graines dans nos congélateurs à Brest avec nos collègues des parcs nationaux mauriciens. Il a fallu se poser la question de comment on allait faire pour en produire des centaines pour permettre son retour en nature.
Donc, c'est quelque chose qu'on a fait à Brest avec un laboratoire qui s'appelle Végénov, spécialisé dans la culture in vitro de plantes. Les plantes ont été produites par le conservatoire qui les a acheminées à Maurice, puis acclimatées par les services compétents des parcs nationaux. Notre mission était surtout de sauver l'espèce de ce qui avait été réalisé il y a 30 ans, de la propager et de la rapatrier à Maurice, de la transmettre aux services compétents. Ces derniers jours, on a pu leur transmettre le protocole de multiplication in vitro, c'est-à-dire la clé pour pouvoir multiplier les plantes ici à Maurice. Donc, en ce qui nous concerne, on considère que la boucle est bouclée, que notre rôle s'achève là, et que le patrimoine mauricien est entre les mains des Mauriciens, avec tout ce qu'il faut pour pouvoir le préserver.
Le climat n’est probablement plus le même depuis les années 90 quand la Cylindrocline était en vie ; cela ne risque-t-il pas d’affecter les chances de survie de la plante ?
Non, je ne pense pas. À cette altitude, nous avons quand même une certaine constance du climat, de l'hydrométrie et des températures. Bien sûr, il y a des changements, mais globalement, ce n'est pas la première cause pour laquelle l'opération ne fonctionnera pas ou pour laquelle la plante n'aura aucune chance de se réimplanter. La difficulté réside d'abord dans le fait d'avoir les bonnes conditions de milieu indépendamment des conditions climatiques et de ne pas avoir trop de pression en termes d'espèces invasives. Je pense notamment aux singes, aux sangliers ou aux escargots du type acatine, qui sont aussi des espèces invasives. Nous estimons qu'il y a plus à craindre de ces mollusques que du changement climatique.
Avez-vous déjà procédé à un exercice de réintroduction d’une espèce éteinte dans son milieu naturel dans le passé ?
Non, c’est vraiment une grande première d’être arrivé jusqu’à ce niveau. Souvent, on réussit à sauver une espèce par la culture, mais la remettre en nature, là, c’est beaucoup plus rare.
Pourquoi avoir commencé avec Maurice et la Cylindrocline ?
C'était une espèce qui était déjà au conservatoire, donc du coup, c'est une espèce à laquelle on avait déjà été sensibilisés, on la savait éteinte en nature. Donc c'était pour moi l'espèce la plus rare de notre collection et elle était encore vivante. Et après, ça s'est fait un peu naturellement avec les partenariats qu'on a pu avoir avec Maurice, qui ont permis de faire la suite. Mais voilà, c'était juste parce qu'elle était là au bon moment.
On peut considérer que l’extinction de la Cylindrocline était un processus naturel. Que dites-vous à ceux qui estiment qu’intervenir dans un processus naturel pose un problème d’éthique ?
L’extinction de la Cylindrocline n’est pas du tout un processus naturel. L’extinction naturelle se fait souvent sur le très long terme. A Maurice, on a assisté à une déforestation rapide depuis le XVIème siècle ; il reste aujourd’hui moins de 2% de forêts natives. Donc, c’est sur un laps de temps extrêmement court qu’on observe une régression des états naturels et une disparition des espèces. On n’est pas face à un phénomène naturel, on est purement face à un phénomène anthropique, causé par les hommes. Donc, la disparition de ces Cylindroclines dans les années 90, comme celle de dizaines d’autres espèces endémiques ou non à Maurice, est d’abord le fait de l’homme : la destruction des habitats naturels pour l’agriculture, le développement des infrastructures, etc., n’est en rien un phénomène naturel.
Dans la même optique, on parle de faire revivre le Dodo ; que pensez-vous de cette idée ?
L’idée est intéressante, car effectivement le Dodo a disparu à cause de l’homme, donc on est dans la même logique que pour la Cylindrocline, sauf que le dodo a disparu il y a très longtemps. Si cela n'enlève rien à la motivation qu'on pourrait trouver aujourd'hui d'essayer de recréer un Dodo, il y a deux choses à considérer: on est sur une espèce qui a totalement disparu. Pour l'espèce qui nous concerne, la Cylindrocline, l'espèce n'avait pas totalement disparu puisqu'il en restait encore quelques cellules vivantes à partir desquelles nous avons "ressuscité" l'espèce en question.
Pour le Dodo, il ne reste plus aucune cellule vivante, donc on va travailler sur du matériel mort. C'est à dire de l'ADN qui est inerte, des cellules mortes et des noyaux morts. Techniquement, la première question est - est-ce qu'on peut réussir ? La deuxième; est-ce que techniquement c'est possible car il n'y a jamais eu de précédent. Il y a eu des essais mais toujours des échecs, il n'y a jamais eu de précédent réussi. C’est un défi scientifique et technique d’essayer d’y arriver. Peut-être que ça serait vraiment intéressant de savoir si c’est possible. Sachant que ce qu’on obtiendra ne sera pas un vrai Dodo puisqu’il faudra nécessairement utiliser des éléments de cellules d’organismes d'une autre espèce pour y arriver, donc ça ne sera pas au sens strict un Dodo, mais on se rapprochera morphologiquement et en une partie génétiquement.
Donc, du point de vue scientifique et technique, je trouve ça très intéressant. Après, du point de vue éthique, il faut se poser la question du pourquoi ? Pourquoi recréer un Dodo ? Si c’est pour recréer un projet de science qui puisse sensibiliser à la disparition des espèces, c’est intéressant ; si c’est pour le replacer dans son écosystème, il faut bien voir de quoi on parle. C’est-à-dire que quand le Dodo a disparu, une pièce importante du fonctionnement de l’écosystème a disparu. Le Dodo était un facteur de diffusion de graines de la forêt à travers les espaces plus ouverts, etc.
Donc, il avait cette fonction. Quand il a disparu, cela a certainement perturbé la dynamique de la forêt où il vivait. Je trouve aussi intéressante la logique d’essayer aujourd’hui de le réintroduire dans ce type de milieu. La question est de savoir si ce type de milieu existe encore aujourd’hui, parce que tout de même, le dodo a disparu il y a un certain nombre de décennies. Est-ce que cela a du sens ? Là, personnellement, je ne peux pas vous le dire.
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